lundi 24 octobre 2011

Portnoy's complaint, une chronique hystérique

Voici le roman qui porta Roth au rang de célébrité internationale en 1969. Monologue hilarant et subversif d'un patient, Alexander Portnoy, à son phychanalyste, Spielvogel, relatant son insatisfaction sexuelle chronique et le poids d'être issu d'une famille juive de troisième génération de Newark, New Jersey.

Alexander Portnoy, relate ainsi toutes les difficultés d'être né d'une famille juive et de vivre en plein quartier juif de Weequahic à Newark. Sa narration oscille entre ses souvenir d'enfance au sein de sa famille, qu'il n'a jamais quittée avant de partir au collège, et sa vie de jeune adulte sexuellement débridé et aspirant à se défaire de toute attache. Jamais assez bien pour ses parents, toujours décevant, même parvenu à l'âge adulte il est toujours considéré comme un enfant par des parents qui attendent de lui une reconnaissance éternelle pour les sacrifices qu'ils ont fait pour son éducation. De là semblent découler toutes ses névroses, son incapacité à jouir de ses aventures et l'incessante culpabilité du plaisir éprouvé.

Portnoy's Complaint (pôrt'-noiz kəm-plānt') n. [after Alexander Portnoy (1933- )] A disorder in which strongly-felt ethical and altruistic impulses are perpetually warring extreme sexual longings, often of a perverse nature. Spielvogel says: ' Acts of exhibitionism, voyeurism, fetishism, auto-eroticism and oral coitus are plentiful; as a consequence of the patient's "morality," however neither fantasy nor act issues in genuine sexual gratification, but rather in overriding feelings of shame and the dread of retribution, particularly in the form of castration' (Spielvogel, O. "The Puzzled Penis," Internazionale Zeitschrift für Psychoanalyse, Vol. XXIV, p.909) It is believed by Spielvogel that many of the symptoms can be traced to the bonds obtaining in the mother-child relationship.

Sa mère, notamment, est omniprésente et tient un rôle à part dans la construction de sa personnalité. Un rôle très pervers même puisque la figure maternelle semble être la cause de ses mésaventures sexuelles. Il est partagé entre l'amour de petit garçon qu'il lui porte et le ressentiment de l'enfant qui ne fait jamais rien assez bien, constamment comparé aux enfants des amies de la famille, toujours plus polis, toujours plus aimants, toujours plus brillants, toujours plus docteurs, toujours plus avocats. D'une manière éxtrêmenent désopilante, il narre les douloureux moments où, jeune adolescent, il ne peut refréner ses envies masturbatoires et se précipite dans la salle de bain, à la grande inquiétude de sa mère, qui croyant à une diarrhée, lui demande de lui montrer son "poopie" dans les toilettes avant de le sermonner à grands cris de désespoir sur les dangers des hamburgers pour le système intestinal. Et je ne vous parlerai pas de l'utilité que l'on peut trouver dans le foie de veau du repas familial...

Culpabiliser pour tout, voilà ce qu'il semble avoir retenu de son enfance. Culpabiliser pour son fantasme de la famille goy, pour son goût pour les shikse avec lesquelles le fait de coucher représente une véritable revanche sur ses origines et le sentiment d'enfin goûter à l'Amérique, terre de liberté. Mais ce goût de liberté est bien amer puisque malgré l'assouvissment de ses fantasmes les plus inavoués avec les femmes qui traversent sa vie ne lui procurent jamais le plaisir escompté. Aucune femme ne parvient à le satisfaire. The Monkey, le personnage féminin le plus présent (en dehors sa mère bien sûr...), ainsi dénommée parce qu'elle a mangé une banane en regardant les ébats d'un couple, même si elle semble correspondre aux attentes de de Portnoy en matière sexuelles, ne pourra jamais un seul instant prétendre être plus qu'un instrument de plaisir dans sa vie. De même, la plus parfaite des héritières WASP ne lui suffira pas non plus. Jusqu'où le menera cette recherche du mieux, cette recherche de l'acceptable... ? Jusqu'en Israël, mais là non plus ne sera pas la solution à son mal-être et à ses aspirations. Mais n'en disons pas plus.

Le choix de narration de la confession d'un patient à son psychanalyste permet à Roth de laisser libre cours aux perversions et aux ressentiments de son personnage. Les épisodes des sexe et de masturbation sont relatés crument (cf. les chapitre intitulés "Whacking off" et "Cunt crazy") mais également d'une manière totalement comique. La jouissance éprouvée à la lecture de ces scènes n'est pas sexuelle mais humoristique. On ne doute pas un seul instant que ce livre ait secoué l'establishment à sa sortie en 1969 ni que, pour reprendre une anecdote contée par Roth lui-même, il ait été difficile à cette époque de réellement s'appeler Portnoy ! Cependant, pour rassurer les lecteurs, si cette oeuvre s'inspire du vécu même de son auteur, elle n'en est pas pour autant autobiographique. Et heureusement pour Roth, il n'a pas véritablement eu ces parents-là !

Portnoy's Complaint, Philip ROTH, Vintage Books, London, 1995, 274 pages.
http://www.randomhouse.co.uk/editions/portnoys-complaint/9780099399018

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