mercredi 26 octobre 2011

Gisèle Freund, l'Oeil Frontière - Paris 1933-1940

La fondation Pierre Bergé - Yves Saint-Laurent a choisi de consacrer sa seizième exposition à Gisèle Freund, la photographe qui a immortalisé sur papier tant d'écrivains de l'entre-deux guerres. A travers une centaine de tirages et des documents d'archives, l'exposition Gisèle Freund, l'Oeil Frontière 1933-1940 retrace son parcours à Paris de 1933 à 1940, entre sa fuite d'Allemagne et sa fuite vers l'Argentine.

Gisèle Freund est née à Berlin en 1908. Son père, le collectionneur Julius Freund, lui offre son premier Leica alors qu'elle est adolescente. Elle se passionne très vite pour la photographie au point de consacrer sa thèse de sociolgie à La photographie en France au XIXè siècle. Sympathisante de la gauche allemande, elle doit fuir son pays en 1933 et se réfugie à Paris où elle achève ses études, publie ses premiers photo-reportages et se lie d'amitié avec deux libraires de la rue de l'Odéon, Adrienne Monnier des Amis des livres, et Sylvia Beach de Shakespeare and Co. Par leur intermédiaire, elle rencontre de nombreux écrivains français ou étrangers à qui elle propose de poser pour elle. La liste de ses modèles est impressionnante, elle réalise ainsi notamment les portraits de Joyce, Malraux, Gide, Colette, Breton, Eluard, Aragon, Caillois, Cocteau, Woolf, Zweig, Shaw ou Valéry. Et ce n'est là qu'un échantillon.

Les évolutions technologiques de la photographie ont permi à Gisèle Freund de se distinguer puisque très tôt, elle fait le choix,  en 1938, de réaliser ses portraits en couleur. Choix avant-gardiste puisque de nombreux photographes louaient la noblesse du noir et blanc et vilipendaient la vulgarité de la couleur. Pour Gisèle Freund, en revanche, la couleur ouvre de nouvelles horizons puisque pour elle c'est l'occasion de traduire en image non plus des nuances d'ombres mais des tonalités. Confrontée aux limites de cette technologie toutefois, elle ne peux reproduire sur papier ses clichés en couleur. Son amie Adrienne Monnier vient alors lui prêter son aide en organisant dans sa librairie, le 5 mars 1939, une soirée mémorable au cours de laquelle elle fait projeter sur un drap blanc les portraits d'écrivains en couleurs devant un public composé des modèles mêmes. La soirée fut un succès, les écrivains étaient ravis sauf, pour chacun, concernant leur prorpre portrait ! Ainsi Geroges Duhamel aurait regretté de ne pas s'être rasé le jour de la pose et André Maurois de n'avoir pas porté son costume d'académicien. Quant à François Mauriac, il eut souhaité être photographié vingt ans plus tôt. Touchantes coquetteries de modèles en somme ! La projection des portraits est reconstituée dans la première salle de l'exposition.

A travers ses protraits, Gisèle Freund parvient à saisir quelque chose d'indescriptible. On a le sentiment qu'elle parvient à faire transpirer l'oeuvre de ces écrivains à travers leur regard et leur posture. Elle nous livre des portraits de Malraux combatif, de Breton surréaliste ou de Colette facétieuse. Ce résultat, apprend-on, d'une interview projetée dans la dernière salle de l'exposition provient de ses conversations avec ses modèles. En effet, elle ne les dirige pas par rapport à l'objectif, mais les fait parler de leurs oeuvres, de leurs impressions. Technique probante puisque le résultat se trouve dans ces portraits tellement parlants qu'ils nous sont presque tous familiers. On ne connaît pas d'image plus celèbre de Joyce que celles qu'elle a capturées. L'image du jeune Malraux qui habille presque toutes les quatrièmes de couverture de ses livres, elle en est l'auteur. Idem pour Colette, c'est l'objectif de Gisèle Freund qui nous l'a donné immortalisée. A côte de cela, on décrouvre également des images moins connues mais touchantes, comme James Joyce saisi payant son taxi avant de se rendre chez Adrienne Monnier. Petit geste de la vie de tous les jours d'un génie de l'écriture.

Au milieu de tant d'écrivains, cette exposition les rapprochent de nous. Personnellement j'en suis ressortie avec une envie de me replonger dans ces écrits de l'entre-deux guerres. L'objectif de la photographe n'est-il alors pas atteint ?


Gisèle Freund, l'Oeil Frontière 1933-1940
Fondation Pierre Bergé - Yves Saint-Laurent
5 avenue Marceau
75016 Paris

Espace d'exposition
3 rue Léonce-Reynaud
75016 Paris
Tel : 01 44 31 64 31
Ouvert du mardi au dimanche, 11h00 - 18h00
Entrée : 7 €

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire