lundi 31 octobre 2011

Du vent dans les branches de sassafras, Obaldia joué au Ranelagh

Le théâtre du Ranelagh honore René de Obaldia, durant les mois de septembre à novembre, en lui consacrant un Festival au cours duquel six spectacles inspirés des œuvres de ce facétieux romancier, poète et auteur de théâtre sont présentés. Parmi ceux-ci, l'une de ses pièces phares, "Du vent dans les branches de sassafras",  parodie de western complètement foutraque aux dialogues délirants mise en scène par Thomas Le Douarec.

Dans le Kentucky des pionniers, John-Emery Rockfeller, colon aventurier, parti de rien et arrivé pas bien loin, survit avec sa femme Caroline et ses rejetons Tom et Pamela, dans une ferme isolée proche de Pancho City. Un soir, alors que le dîner familial vient de s'achever, lui et son ami et néanmoins parasite, le Dr Butler, demandent, pour s'amuser un peu, à Caroline de lire l'avenir dans sa boule de cristal. Celle-ci prédit alors une attaque imminente des indiens de la région, Commanches, Sioux, Apaches, Mohicans et tutti quanti, partis en croisade contre les visages blêmes sous le commandement du terrifiant Œil de Lynx. Après avoir appris d'une prostituée au grand cœur rescapée de Pancho City, la destruction de la ville et de tous les ranchs environnant, ils se retrouvent bientôt assiégés par les peaux-rouges assoiffés de sang.

Huis clos complètement déjanté, le ton est donné dès le lever de rideau alors que les trois coups ne sont pas donnés au brigadier mais au revolver ! D'un bout à l'autre de la pièce, les dialogues ciselés d'Obaldia sont parfaitement servis par une mise en scène bricolée en apparence mais parfaitement maîtrisée et par la justesse du jeu des comédiens. Patrick Préjean, qui reprend le rôle de John-Emery Rockfeller créé par Michel Simon et également tenu par Jean Gabin, est excellent. Le tout est impeccablement rythmé sans jamais s'essouffler. On applaudit non seulement la truculence du texte que le dynamisme des comédiens et les trouvailles de la mise en scène burlesque mais jamais kitsch. On ronronne de plaisir à l'écoute du texte de la pièce, avec les envolées d'intellectuelle de gauche d'avant l'heure d'une Pamela pourtant plus proche du prix Nibel que du Nobel (désolé,  c'est mauvais mais je n'ai pas pu résister...), le langage d'onomatopées des indiens Œil de Perdrix et Œil de Lynx ("Toi prolo ! Prolo ! Poussière ! Crottin ! Pouah !" ou "Oye Potlach ! Moi emporter fille vieux bouc dans mon wigwam") ou le sérieux complètement dérisoire du Shérif Carlos. Le tout est entrecoupé de chansonnettes et de pseudo-chorégraphies qui cadrent parfaitement avec l'esprit de la pièce. On a même droit à un striptease sulfureux lorsqu'il s'agit de détourner l'attention des indiens pour mieux les occire. 


Quelle bonne idée donc, de célébrer Obaldia. c'est parfaitement réussi. Sans moyens extraordinaires, Thomas Le Douarec parvient à un résultat plus qu'honorable. Un vrai petit bijou à la hauteur de son auteur pour une soirée des plus rafraichissantes en ce début d'automne et tout cela dans un lieu charmant qu'est le théâtre du Ranelagh. En plus, pour ma part, ca m'a permis d'apprendre ce qu'est un sassafras... On ne saurait que recommander l'ensemble du festival. A noter que René de Obaldia se produit lui-même sur scène le lundi a 19h00 pour des lectures de ses œuvres. 


"Du vent dans les branches de sassafras"
Texte de René de Obaldia
Mise en scène de Thomas Le Douarec assisté de Michèle Bourdet et Philippe Maymat
Musique de Mehdi Bourayou
Avec Patrick Préjean, Isabelle Tanakil, Michèle Bourdet, Marie Le Cam, Charles Clément, Philippe Maymat ou Thomas Le Douarec, Christian Mulot, Medhi Bourayou
Du 9 septembre au 19 novembre 2011

Théâtre du Ranelagh
5 rue des Vignes
75016 Paris

mercredi 26 octobre 2011

Gisèle Freund, l'Oeil Frontière - Paris 1933-1940

La fondation Pierre Bergé - Yves Saint-Laurent a choisi de consacrer sa seizième exposition à Gisèle Freund, la photographe qui a immortalisé sur papier tant d'écrivains de l'entre-deux guerres. A travers une centaine de tirages et des documents d'archives, l'exposition Gisèle Freund, l'Oeil Frontière 1933-1940 retrace son parcours à Paris de 1933 à 1940, entre sa fuite d'Allemagne et sa fuite vers l'Argentine.

Gisèle Freund est née à Berlin en 1908. Son père, le collectionneur Julius Freund, lui offre son premier Leica alors qu'elle est adolescente. Elle se passionne très vite pour la photographie au point de consacrer sa thèse de sociolgie à La photographie en France au XIXè siècle. Sympathisante de la gauche allemande, elle doit fuir son pays en 1933 et se réfugie à Paris où elle achève ses études, publie ses premiers photo-reportages et se lie d'amitié avec deux libraires de la rue de l'Odéon, Adrienne Monnier des Amis des livres, et Sylvia Beach de Shakespeare and Co. Par leur intermédiaire, elle rencontre de nombreux écrivains français ou étrangers à qui elle propose de poser pour elle. La liste de ses modèles est impressionnante, elle réalise ainsi notamment les portraits de Joyce, Malraux, Gide, Colette, Breton, Eluard, Aragon, Caillois, Cocteau, Woolf, Zweig, Shaw ou Valéry. Et ce n'est là qu'un échantillon.

Les évolutions technologiques de la photographie ont permi à Gisèle Freund de se distinguer puisque très tôt, elle fait le choix,  en 1938, de réaliser ses portraits en couleur. Choix avant-gardiste puisque de nombreux photographes louaient la noblesse du noir et blanc et vilipendaient la vulgarité de la couleur. Pour Gisèle Freund, en revanche, la couleur ouvre de nouvelles horizons puisque pour elle c'est l'occasion de traduire en image non plus des nuances d'ombres mais des tonalités. Confrontée aux limites de cette technologie toutefois, elle ne peux reproduire sur papier ses clichés en couleur. Son amie Adrienne Monnier vient alors lui prêter son aide en organisant dans sa librairie, le 5 mars 1939, une soirée mémorable au cours de laquelle elle fait projeter sur un drap blanc les portraits d'écrivains en couleurs devant un public composé des modèles mêmes. La soirée fut un succès, les écrivains étaient ravis sauf, pour chacun, concernant leur prorpre portrait ! Ainsi Geroges Duhamel aurait regretté de ne pas s'être rasé le jour de la pose et André Maurois de n'avoir pas porté son costume d'académicien. Quant à François Mauriac, il eut souhaité être photographié vingt ans plus tôt. Touchantes coquetteries de modèles en somme ! La projection des portraits est reconstituée dans la première salle de l'exposition.

A travers ses protraits, Gisèle Freund parvient à saisir quelque chose d'indescriptible. On a le sentiment qu'elle parvient à faire transpirer l'oeuvre de ces écrivains à travers leur regard et leur posture. Elle nous livre des portraits de Malraux combatif, de Breton surréaliste ou de Colette facétieuse. Ce résultat, apprend-on, d'une interview projetée dans la dernière salle de l'exposition provient de ses conversations avec ses modèles. En effet, elle ne les dirige pas par rapport à l'objectif, mais les fait parler de leurs oeuvres, de leurs impressions. Technique probante puisque le résultat se trouve dans ces portraits tellement parlants qu'ils nous sont presque tous familiers. On ne connaît pas d'image plus celèbre de Joyce que celles qu'elle a capturées. L'image du jeune Malraux qui habille presque toutes les quatrièmes de couverture de ses livres, elle en est l'auteur. Idem pour Colette, c'est l'objectif de Gisèle Freund qui nous l'a donné immortalisée. A côte de cela, on décrouvre également des images moins connues mais touchantes, comme James Joyce saisi payant son taxi avant de se rendre chez Adrienne Monnier. Petit geste de la vie de tous les jours d'un génie de l'écriture.

Au milieu de tant d'écrivains, cette exposition les rapprochent de nous. Personnellement j'en suis ressortie avec une envie de me replonger dans ces écrits de l'entre-deux guerres. L'objectif de la photographe n'est-il alors pas atteint ?


Gisèle Freund, l'Oeil Frontière 1933-1940
Fondation Pierre Bergé - Yves Saint-Laurent
5 avenue Marceau
75016 Paris

Espace d'exposition
3 rue Léonce-Reynaud
75016 Paris
Tel : 01 44 31 64 31
Ouvert du mardi au dimanche, 11h00 - 18h00
Entrée : 7 €

lundi 24 octobre 2011

Portnoy's complaint, une chronique hystérique

Voici le roman qui porta Roth au rang de célébrité internationale en 1969. Monologue hilarant et subversif d'un patient, Alexander Portnoy, à son phychanalyste, Spielvogel, relatant son insatisfaction sexuelle chronique et le poids d'être issu d'une famille juive de troisième génération de Newark, New Jersey.

Alexander Portnoy, relate ainsi toutes les difficultés d'être né d'une famille juive et de vivre en plein quartier juif de Weequahic à Newark. Sa narration oscille entre ses souvenir d'enfance au sein de sa famille, qu'il n'a jamais quittée avant de partir au collège, et sa vie de jeune adulte sexuellement débridé et aspirant à se défaire de toute attache. Jamais assez bien pour ses parents, toujours décevant, même parvenu à l'âge adulte il est toujours considéré comme un enfant par des parents qui attendent de lui une reconnaissance éternelle pour les sacrifices qu'ils ont fait pour son éducation. De là semblent découler toutes ses névroses, son incapacité à jouir de ses aventures et l'incessante culpabilité du plaisir éprouvé.

Portnoy's Complaint (pôrt'-noiz kəm-plānt') n. [after Alexander Portnoy (1933- )] A disorder in which strongly-felt ethical and altruistic impulses are perpetually warring extreme sexual longings, often of a perverse nature. Spielvogel says: ' Acts of exhibitionism, voyeurism, fetishism, auto-eroticism and oral coitus are plentiful; as a consequence of the patient's "morality," however neither fantasy nor act issues in genuine sexual gratification, but rather in overriding feelings of shame and the dread of retribution, particularly in the form of castration' (Spielvogel, O. "The Puzzled Penis," Internazionale Zeitschrift für Psychoanalyse, Vol. XXIV, p.909) It is believed by Spielvogel that many of the symptoms can be traced to the bonds obtaining in the mother-child relationship.

Sa mère, notamment, est omniprésente et tient un rôle à part dans la construction de sa personnalité. Un rôle très pervers même puisque la figure maternelle semble être la cause de ses mésaventures sexuelles. Il est partagé entre l'amour de petit garçon qu'il lui porte et le ressentiment de l'enfant qui ne fait jamais rien assez bien, constamment comparé aux enfants des amies de la famille, toujours plus polis, toujours plus aimants, toujours plus brillants, toujours plus docteurs, toujours plus avocats. D'une manière éxtrêmenent désopilante, il narre les douloureux moments où, jeune adolescent, il ne peut refréner ses envies masturbatoires et se précipite dans la salle de bain, à la grande inquiétude de sa mère, qui croyant à une diarrhée, lui demande de lui montrer son "poopie" dans les toilettes avant de le sermonner à grands cris de désespoir sur les dangers des hamburgers pour le système intestinal. Et je ne vous parlerai pas de l'utilité que l'on peut trouver dans le foie de veau du repas familial...

Culpabiliser pour tout, voilà ce qu'il semble avoir retenu de son enfance. Culpabiliser pour son fantasme de la famille goy, pour son goût pour les shikse avec lesquelles le fait de coucher représente une véritable revanche sur ses origines et le sentiment d'enfin goûter à l'Amérique, terre de liberté. Mais ce goût de liberté est bien amer puisque malgré l'assouvissment de ses fantasmes les plus inavoués avec les femmes qui traversent sa vie ne lui procurent jamais le plaisir escompté. Aucune femme ne parvient à le satisfaire. The Monkey, le personnage féminin le plus présent (en dehors sa mère bien sûr...), ainsi dénommée parce qu'elle a mangé une banane en regardant les ébats d'un couple, même si elle semble correspondre aux attentes de de Portnoy en matière sexuelles, ne pourra jamais un seul instant prétendre être plus qu'un instrument de plaisir dans sa vie. De même, la plus parfaite des héritières WASP ne lui suffira pas non plus. Jusqu'où le menera cette recherche du mieux, cette recherche de l'acceptable... ? Jusqu'en Israël, mais là non plus ne sera pas la solution à son mal-être et à ses aspirations. Mais n'en disons pas plus.

Le choix de narration de la confession d'un patient à son psychanalyste permet à Roth de laisser libre cours aux perversions et aux ressentiments de son personnage. Les épisodes des sexe et de masturbation sont relatés crument (cf. les chapitre intitulés "Whacking off" et "Cunt crazy") mais également d'une manière totalement comique. La jouissance éprouvée à la lecture de ces scènes n'est pas sexuelle mais humoristique. On ne doute pas un seul instant que ce livre ait secoué l'establishment à sa sortie en 1969 ni que, pour reprendre une anecdote contée par Roth lui-même, il ait été difficile à cette époque de réellement s'appeler Portnoy ! Cependant, pour rassurer les lecteurs, si cette oeuvre s'inspire du vécu même de son auteur, elle n'en est pas pour autant autobiographique. Et heureusement pour Roth, il n'a pas véritablement eu ces parents-là !

Portnoy's Complaint, Philip ROTH, Vintage Books, London, 1995, 274 pages.
http://www.randomhouse.co.uk/editions/portnoys-complaint/9780099399018

dimanche 23 octobre 2011

Bienvenue au Cabaret de Marigny


Wilkommen, Bienvenue, Welcome... Mythique entrée en matière de la comédie musicale Cabaret reprise actuellement en version française au théâtre Marigny. Créée en 1966 à Broadway par Joe Masteroff, sur une musique de John Kander, adaptée au cinéma par Bob Fosse en 1972, elle revient aujourd'hui dans une mise en scène inspirée de celle de Sam Mendes et adaptée en Francais.

Situee dans le Berlin de 1931, Cabaret voit se croiser au Kit Kat Club et dans la pension de Fräulein Schneider Sally Bowles, chanteuse comptant autant sur sont talent vocal que sur ses charmes pour assurer sa subsistance et Clifford Bradshaw, écrivain en devenir vivotant de cours d'Anglais. Leur histoire d'amour, orchestrée par l'inquiétant Emcee, le maître de cérémonie, ainsi que celle de Fräulein Schneider et de Herr Schultz, le marchand de fruit juif, est emportée par les tourments politiques des années de crise marquées par la montée du nazisme.

Ayant comme élément de comparaison le film de Bob Fosse, j'étais rodée aux accords musicaux du spectacle mais avec des paroles en Anglais. Toutefois, l'adaptation en Français, même si elle demande de s'y accoutumer n'est pas dérangeante et les traduction sont intelligentes. Les interprètes sont très bien dans leur rôle. Claire Pérot, qui tient le rôle de Sally Bowles est époustouflante. Elle n'a rien à envier à une Liza Minelli ! Virevoltante, désinvolte, saoulante à souhait, elle campe parfaitement le rôle de la femme enfant Sally Bowles, insensible aux menaces de son époque. son geste est précis, sa voix claire et émouvante, ses expressions de revanche sur la vie parfaites.  


Le rôle de Emcee est très bien interprété par Emmanuel Moiré également. Toutefois, la barre était vraiment très haute, trop haute peut-être. Il m'est avis que personne sur cette terre n'est en mesure de faire oublier l'interprétation de Joel Grey, tellement inoubliable que le défi de prendre sa suite est purement impossible. Les reste de la distribution est sans anicroche. Les semi-danseuses, semi-prostituées sont rances comme il faut, les hommes qui gravitent autour du Kit Kat Club, sexuellement universels. 

Quant à la mise en scène, elle roule sur les rails et fonctionne comme une horloge bien huilée. Toutefois, les allusions sexuelles sont foison et même trop présentes. Soulignées, voir même doublement stabilobossées et encadrées au néons, les déhanchés sont hypersuggestifs et hyperrépétés là où l'équivoque aurait suffit. Au bout d'un moment, ca lasse un peu. Au milieu de tout cela, les scenes de romance entre Fräulein Schneider et Herr Schultz apparaissent comme de véritables bols d'air dans la mise en scène, encore plus touchant dans leur amour au parfum suranné. La violence du contexte politique allemand du début des années 30 est lui bien représenté et la chanson inspirée d'une marche nazie "Tomorrow belongs to me" glaçante.

On passe donc une très bonne soirée. A la hauteur de ce que l'on peut attendre d'une production bien rodée. On en redemanderait, mais ce serait encore mieux si on pouvait avoir Joel Grey...

Cabaret
Théâtre Marigny
Carré Marigny 
75008 Paris
01 53 96 70 30
 www.theatremarigny.fr

Du 6 octobre au 31 décembre 2011
De 25 à 79 euros

samedi 22 octobre 2011

La Galerie nationale d'art moderne à Rome

Lorsqu'on parle de peinture italienne, ce ne sont souvent pas des images d'oeuvres contemporaines qui nous viennent à l'esprit. On pense en effet plutôt immédiatement aux fresques de Raphaël ou aux toiles de Boticelli. La Galerie nationale d'art moderne de Rome, située en bordure de la Villa Borghese, est alors une merveilleuse occasion d'en savoir plus sur les mouvements artistiques contemporains italiens et parmi eux l'un des plus caractéristiques, le futurisme. La GNAM, outre les toiles de maitres tels que Monet, Van Gogh, Cézanne, Klimt  (avec Les trois ages de la vie absolument sublime) ou Modigliani qu'elle renferme, brosse un tableau historique de l'art italien des XIXè et XXè siècles. 

Les salles consacrées au XIXè siècle présentent les différentes écoles régionales de peinture, Rome, Venise, la Toscane ou encore l'Italie du Nord avec Milan notamment. De cette dernière, on retiendra notamment L'arrivée du bulletin de la paix Villafranca de Domenico Induno qui mêle moment historique et instant quotidien en pleine guerre d'indépendance. Parmi les œuvres plus tardives du XIXe siècles, les deux scènes de batailles du peintre napolitain Michele Cammarano, impressionnantes non seulement par leur format mais également par la violence de leur sujet, illustrant, l'une la Bataille de San Martino, l'autre la Bataille de Dogali opposant les Italiens aux Abyssins lors de la campagne d'Érythrée en 1887 et qui fit 430 victimes italiennes et 3000 abyssiniennes en l'espace de seulement quatre heures. Enfin, ce qui fut pour moi, l'œuvre la plus captivante de cette période est la toile de Giovanni Segantini, Alla Stanga, scène apaisante de la vie de paysans de montagne avec leurs bêtes au coucher du soleil. Ce tableau est un bel exemple du divisionnisme italien.

Alle Stanga, Giovanni Segantini


Ce sont les salles des peintures du XXè siècle qui vraiment éveillé ma curiosité. Leur visite m'ont permis de découvrir Umberto Boccioni et Giacomo Balla, deux des représentants les plus emblématiques du futurisme et co-signataires, avec Filippo Marinetti et Carlo Carra du "Manifeste Futuriste" en 1910. Les toiles de Giacomo Balla sont fascinantes. Ses premières œuvres, inspirées par le divisionnisme ont pour principaux sujets les pauvres, les fous et les ouvriers. Passionné de modernité, il concentrera ensuite sont travail sur la representation du mouvement en image. A l'aube de la première guerre mondiale, il évolue vers l'abstraction qu'illustre parfaitement son Expansion dynamique, peinte en 1913, succession d'instants répétant une même action représentant le mouvement de la machine. Dans les années 30, Balla reviendra ensuite vers le figuratif. Les salles du XXè siècles présentent également enfin des toiles de peintres italiens d'avant-garde mussolinienne comme Fausto Pirandello ou ouvertement antifasciste comme Renato Guttuso avec la Crucifixion. Sans maquillage de l'histoire, l'art des années 20 et 30 et ses rapports avec le pouvoir est présenté simplement pour n'avoir comme juge que nos yeux et nos propres valeurs.

Malheureusement, les salle d'art contemporain ne sont pas visible actuellement. Cependant, par ce parcours à travers l'art moderne italien suffit à combler un vide et démontre que la peinture italienne ne s'est pas arrêtée au XVIè siècle. Et qu'il est dur de se faire sa place dans une Rome regorgeant d'antiquité et de papauté !

Galleria Nazionale d'Arte Moderna
Vialle delle Belle Arti, 131
00197, Rome
Tel : 0039 06 322981
www.gnam.beniculturali.it
 
Ouvert du mardi au dimanche - 8h30 - 19h30
Fermé les 1er janvier, 1er mai et 25 décembre
Entrée :8 €

mardi 11 octobre 2011

La Galerie Borghese à Rome

La Galerie Borghese, située, comme son nom l'indique dans la Villa Borghese, est pour tout amateur d'art un petit joyau tant ses collections sont riches. Elle abrite les collections de la Famille Borghese, initiée par le Cardinal Scipion Borghese au XVIIè siècle, neveu favori du Pape Paul V et grand amateur d'art capable d'apprécier à la fois l'art antique, mais également les oeuvres moins conventionnelles de son temps. Elle renferme plus de 580 oeuvres, statues et toiles, des grands maîtres de l'époque de Scipion Borghese, ou acquises par ses successeurs.


Les collections sont exposées dans les décors rococo somptueux commandés par Marc-Antoine Borghese en 1770, faits de stucs et de fresques plus admirables les unes que les autres. Le salon d'entrée de la Galerie est consacré à la grandeur de la civilisation romaine avec une voûte peinte et un pavement de mosaïques récupérées dans d'anciennes demeures romaines du IVè siècle, illustrant les combats des gladiateurs et des fauves. Il est touchant de voir inscrit les noms de ces gladiateurs à côté de leur représentation, parfois agrémentée d'un caractère supplémentaire signifiant une mort au combat.
Le nombre de chefs d'oeuvres qui se succèdent fil de la visite est tel qu'il est impossible ne serait-ce que de tous les mentionner. Incontournable toutefois, parmi les Bernin, on reste béat devant le "Rapt de Proserpine" sculpture tout en mouvement grâce à sa forme en hélice. Elle traduit la violence l'enlèvement par l'exécution de détails d'une grande maîtrise comme les doigt de Pluton qui compriment la chair des cuisse de Proserpine, et les larmes de désespoir de cette dernière. Admirables exemples du talent du Bernin, le David, figé dans l'instant où il arme sa fronde contre le géant Goliath, et "Apollon et Daphné" montrant cette dernière se transformant en laurier au moment où Apollon se saisit d'elle, suscitent le ravissement. Toujours dans le domaine de la sculpture, enfin, le portrait de Pauline Borghese (qui n'est autre que Pauline Bonaparte) par Antonio Canova, représentée en Vénus Victorieuse et scandaleusement belle dans sa nudité est sans conteste l'un des clous de la collection.


Dans la salle des Caravage, où l'on peut admirer "La Madone au serpent" ou le "Jeune garçon à la corbeille de fruit", je me suis pour ma part attardée sur le "David tenant la tête de Goliath" saisissant à la vue du visage terrifiant de Goliath, autoportrait peu flatteur de l'artiste. La pinacothèque, au premier étage, rassemble une grande quantité de tableaux de Titien, Cranach, ou Raphaël. Ce dernier a exécuté en 1507 "la Déposition", oeuvre plein de douleur, dépeignant la déposition du Christ en s'inspirant du drame de l'assassinat du fils du commanditaire du tableau, Atalanta Baglioni.


Pour achever la visite, un petit tour par le jardin au bout duquel se trouve la volière qui vient d'être restaurée, apporte une fraîcheur apaisante après les déambulation dans le faste de la galerie.
Petit conseil de visite : le temps de visite étant limité à 2h dont trente minutes pour la pinacothèque, il peut être judicieux de commencer par cette dernière afin d'éviter la foule. La visite de la pinacothèque est moins limitée, par ailleurs, sur la dernière tranche horaire de la journée, à partir de 17h00.


Galleria Borghese
Piazzale del Museo Borghese 5, 00197 ROMA
Tel. 0039 06 8413979
http://www.galleriaborghese.it


Sur réservation (la visite est limitée à 360 personnes toutes les deux heures)
Tel. 0039 06 32810 ou http://www.ticketeria.it/ticketeria/borghese-privacy-ita.asp
Horaires d'ouverture:
Du mardi au dimanche de 8h30 à 19h30
Fermé le lundi
Fermé le 1er janvier et le 25 décembre

dimanche 9 octobre 2011

La clémence de Tito à l'Opéra National de Paris

L'Opéra National de Paris reprogramme cette saison la Clémence de Titus dans sa version de 1997, mis en scène par Willy Decker sous la direction musicale d'Adam Fischer. Cet opera seria, que Mozart composa en 18 jours en 1791 en réponse à une commande en l'honneur du couronnement de l'empereur Léopold II de Bavière, sacré roi de Bohême à Prague, n'est certes pas l'œuvre la plus remarquable du génial Mozart, mais elle est loin d'être dépourvue d'inspiration.

L'argument se passe à Rome, où l'empereur Titus, dont tous acclament la clémence et la tempérance, est l'objet d'un complot de la part de Vitellia, patricienne deux fois déçue par les choix de mariage de Titus. Elle parvient à armer le bras de Sesto, le confident de Titus transi d'amour pour elle, pour mettre à mort l'empereur et ainsi calmer sa jalousie. Après l'échec du complot, Titus pardonnera à tous d'avoir voulu mettre un terme à son règne et tous, amis, ennemis, peuple et Sénat, célèbreront ensemble la bonté de l'empereur.

Le spectacle offert à Garnier est très loin d'être déplaisant. L'œuvre tout d'abord est loin d'être cet opéra bâclé auquel on a tente de le réduire. Un Mozart de second rang demeure malgré tout inoubliable. La mise en scène est impeccable, toute en sobriété et cadre parfaitement avec le propos d'une œuvre qui se veut sérieuse, voire même pédagogique pour le souverain qui l'a commandée. Dominée par un imposant bloc de marbre qui découvre au fur et à mesure les traits du buste de Titus, le décor reflète la majesté de la personne de l'empereur, mais donne également l'impression d'une charge trop grande, trop lourde pour lui. Noyé sous les complots, il n'aspire qu'au bonheur de son peuple et son impuissance semble l'inciter à abandonner son rôle puisqu'il tente constamment de se séparer de sa couronne (couronne qui n'a cessé de me faire sourire tant elle ressemble à celle de Marchel 1er, roi des Marchiens... Mais c'est hors-sujet...).

Si belle que soit cette mise en scène, il lui a toutefois manque une petite chose non négligeable... de la voix. Et quoi de plus indispensable que la voix dans l'opéra. Titus est peu convaincant, le ténor Klaus Florian Vogt, dont la tessiture trop claire et son souffle trop court m'a dérangée, manque à donner de la grandeur au personnage. Des le premier recitativo, en effet, ca coince, Titus manque de charisme. En revanche, Hibla Gerzmava dans le rôle de Vitellia est enchanteresse, sa voix nous transmet toute la vilénie et tout le désespoir du personnage. Quant à Stéphanie d'Oustrac, ses élans mélodieux nous ferons pardonner le choix d'une mezzo pour le rôle de Sesto, rôle normalement alloue à une contralto.

En conclusion, une représentation tout à fait honorable et l'occasion surtout de (re)découvrir une œuvre méconnue du prodige de Salzbourg. 



La Clémence de Titus
Opera seria en deux actes
Musique de Wolfgang Amadeus Mozart
Livret de Pietro Metastasio adapté par Caterino Mazzola

Direction Musicale : Adam Fischer
Mise en scène : Willy Decker
Chef de chœur : Alessandro di Stefano

Tito : Klaus Florian Vogt
Vitellia : Hibla Gerzmava
Servilia : Amel Brahim-Djelloul
Sesto : Stéphanie d'Oustrac
Annio : Allyson McCarthy
Publio : Balint Szabo

Palais Garnier
Place de l'Opéra
75002 Paris
Du 10 septembre au 8 octobre 2011

samedi 8 octobre 2011

Le Musée Lalique à Wingen-sur-Moder en Alsace


Inauguré le 1er juillet 2011, le Musée Lalique vient d'ouvrir ses portes dans le petit village de Wingen-sur-Moder dans le Bas-Rhin. Aménagé sur les lieux même de l'ancienne verrerie du Hochberg, active au XVIII et XIXè siècles, il retrace l'histoire des créations de la maison Lalique en mettant l'accent sur les productions réalisées dans les verreries de Wingen.

La maison Lalique

Initialement joailler, René Lalique a très tôt créé des bijoux d'avant -garde alliant toute sortes de matières telles que l'ivoire, l'émail et bien sûr le verre à celles plus convenues comme l'or ou le diamant. Créateur avant-gardiste, il s'est ainsi attiré la bienveillance d'une élite artistique à l'écart des conventions. Sarah Bernhardt par exemple, lui achetera nombre de ses créations. Par ses bijoux, il connaîtra un véritable triomphe lors de l'exposition universelle de 1900 à Paris.

L'effleurt pour Coty - 1908-1912 © Coll. Sylvio Denz

Dès 1890, René Lalique s'intéresse au verre, mais c'est en 1912 qu'il décide de s'y consacrer exclusivement. A la suite de sa rencontre avec François Coty, industriel de la parfumerie, Lalique révolutionne  le genre grâce aux flacons de parfums qu'il crée. Le contenant devient alors aussi important que son contenu et ses créations rivalisent d'élégance tout en  conservant une forme simple et fluide. Ce n'est qu'après qu'il  s'ouvrira aux arts de la table et de la décoration. Son imagination trouve sa source  sous l'inspiration des 3F : la Femme, la Flore, la Faune. Il a en effet étudié dans leurs plus moindres détails les particularités de chacune afin de reproduire le plus fidèlement leurs textures et leurs mouvements. Figure emblématique de l'Art Nouveau, il s'adaptera parfaitement par la suite aux lignes géométriques épurées de l'Art Déco.


C'est en 1921 que René Lalique s'installe à Wingen-sur-Moder, lieu ancré dans une longue tradition verrière. En effet, La verrerie du Hochberg fut construite dès 1715 et produisit bouteilles, verres de montre et verre à vitre. Le dernier four s'éteignit cependant en 1868 faute de bois suffisant pour l'alimenter. Cinquante ans plus tard, Lalique a fait renaitre cette industrie, encore active de nos jours.

Le musée

Vue aile sud Musée Lalique © Wilmotte SA


LALIQUE Rene, Vase Serpent

1924


 © Lalique SA
Installées dans une réalisation de l'architecte Jean-Michel Wilmotte, les collections présentées par le musée retracent non seulement l'histoire de la maison Lalique et des maîtres verriers de la région, mais renseigne également sur les savoir-faire techniques nécessaires à la réalisation des objets présentés. A travers une très belle scénographie, très sombre aussi (trop ?), on admire à la fois les créations les plus emblématiques de Lalique ainsi que tout le parcours que ces pièces ont du suivre pour aboutir à un objet fini. Très pédagogique, l'exposition fait prendre conscience des innombrables heures que nécessite chaque objet pour pour sa réalisation et la précision qu'il requiert. On peut ainsi, par exemple, suivre toutes les étapes de la réalisation du vase Bacchantes de sa sortie du moule à sa signature. Pour que la création verrière n'ai plus aucun secret pour le visiteur, je conseille de ne pas manquer le documentaire diffuse dans l'auditorium à la sortie de la salle d'exposition.

Musée Lalique
Rue du Hochberg
67290 Wingen-sur-Moder


samedi 1 octobre 2011

"Touriste" de Julien Blanc-Gras

Un touriste. Ce mot des plus vulgaires drague immédiatement des visions d'horreur de meutes d'allemandenshort (qui malgré l'évidente référence à nos voisins d'outre-Rhin, peuvent très bien être Français), portant bien haut leur badge et suivant un guide à l'accent improbable agitant en l'air une petite baguette métallique au bout de laquelle pendouille là un petit drapeau, là un petit nœud, là un petit nounours. C'est avec un indescriptible dégoût et un mépris non dissimulé que nous les observons, oubliant qu'au cours de nos voyages, nous sommes nous-mêmes tous des touristes. Merci à Julien Blanc-Gras de nous le rappeler, ca ne fait pas de mal de se faire remettre à sa place de temps en temps. Ainsi, touriste définit-il tout individu mu par le désir de découvrir, comprendre ou tout simplement d'en prendre plein les mirettes.

Le livre de Julien Blanc-Gras est un recueil d'escales au cours desquelles il fait part de ses expériences, de ses découvertes et de ses déconvenues aussi. Pour ma part, je l'annonce haut et fort, je ne voyagerai jamais en car en Colombie, ce livre m'en a vacciné !  Avec humour, mais toujours sans mépris, il nous emmène en Inde et au Népal, où l'on dine chez la mère de Bouddha, au Proche-Orient, où l'on ne règle pas le conflit israélo-palestinien, ou dans un aéroport suisse, où l'on se met à détester les Suisses... Le livre n'est toutefois pas qu'un catalogue de burlesque, ces histoires souvent cocasses cachent également des drames anonymes qui se jouent quotidiennement à des milliers de kilomètres de nous. L'épisode relatant la tempête dans un petit port de Madagascar laisse ainsi un gout très amer dans la bouche.

Passionné depuis sa plus tendre enfance de géographie, à tel point qu'il avait un globe terrestre pour doudou, Julien Blanc-Gras rêve constamment d'ailleurs. Et c'est avec brio qu'il nous transmet sa bougeotte et ses envies (besoins !) de découvertes. Prenons donc le premier billet pour n'importe où  jusqu'à n'importe quand (mais pas dans un car en Colombie, s'il vous plait) et jouons les touristes, sans badge, sans guide à baguette et pourquoi pas sans short, tiens.

"Touriste", Julien BLANC-GRAS, Au Diable Vauvert, La Laune, 2011, 260 pages.
http://www.audiable.com/livre/?GCOI=84626100550770