vendredi 4 novembre 2011

Tannhäuser, à l'Opéra de Paris

L'Opéra de Paris a reprogrammé pour cette saison le Tannhäuser de Richard Wagner dans la mise en scène de Robert Carsen, déjà présentée en 2007. L'opéra de Wagner s'inspire des légendes germaniques du tournoi de chant de la Wartburg et de la balade de Tannhäuser. Ici, l'action se situe près de la Wartuburg au XIIIè siècle, alors que règnent les Langrave de Thuringe. Le goût pour l'art de ces dernier est à l'origine de tournois de chant entre chevaliers-chanteurs. Près de là s'élève le Venusberg, qui abrite Vénus, ses tentations et ses plaisirs, où viennent  s'égarer certains de ces chevaliers-chanteurs. Tannhäuser est l'un de ceux-ci. Dès l'ouverture, on le voit se perdre dans les bras et les draps de Vénus (nue pour l'occasion, attention sortez les jumelles). Mais au cours du premier acte, il lui fait part de sa lassitude et de son besoin de s'évader et de découvrir le monde, ce qui provoque le désespoir puis le courroux de la déesse. Tout au long de l'œuvre, Tannhäuser sera en proie à la lutte du profane et du sacré, du lucre et de la pureté, de Vénus la licencieuse et d'Elizabeth la chaste, nièce du Landgrave et outil de sa rédemption.

Côté musique et côté mise en scène, la représentation proposée par l'Opéra de Paris est parfaitement réussie. Musicalement, l'interprétation est un véritable délice. Souple et limpide, sous la direction de Sir Mark Elder, elle traduit très bien le combat entre profane et sacré qui se livre tout au long de l'œuvre. Elle sert parfaitement une partition mythique, sans alourdir ni souligner outrageusement ses accents les plus fameux, et ce même pour le chœur des pèlerins. L'ouverture nous saisit dès son entame et rien ne lasse de la première à la dernière note. La distribution des voix est irréprochable. Les interprètes de Tannhäuser, de Wolfram, du Landgrave, d'Elizabeth et de Vénus offrent des incarnations mémorables. Le passage de la rencontre des chevaliers-chanteurs revenant de la chasse et de Tannhäuser à la fin du premier acte est un pur instant de bonheur, avec les différentes tessitures des chanteurs qui se mêlent et se répondent.

Visuellement, la mise en scène dépouillée mais très esthétique de Carsen est en toute objectivité un délice. L'idée de transposer un tournoi de chant en concours pictural est astucieuse et illustre bien les  sensibilités artistiques des protagonistes, la recherche du beau et les sources d'inspirations de Tannhäuser. On pourra reprocher un peu trop de statisme lors de la séparation de Tannhäuser et de Vénus, qui au bout d'un moment donne envie de filer un coup de main à ce pauvre Tannhäuser pour se débarrasser de la déesse... En revanche, l'affrontement des chevaliers-chanteurs dans le deuxième acte est un moment exquis. De même la représentation des pêchers des pèlerins par des toiles et de leur absolution par des cadres vide est somptueuse. Enfin, l'idée, dans le deuxième acte, de se faire se déplacer les chanteurs dans la salle au milieu du public pour figurer l'extérieur de la Wartburg est plus qu'intéressante et originale. Un bémol toutefois concernant cette mise en scène, malgré sa beauté elle ne permet pas de saisir toute la profondeur et la spiritualité de l'œuvre de Wagner. Elle ne fait que caresser en surface tout le code de l'honneur des chevalier-chanteurs qui sont ici des peintres amis de Tannhäuser. De même, l'enjeu de l'absolution papale n'est pas suffisamment mise en valeur notamment dans son rapport l'union de Tannhäuser et d'Elizabeth. Enfin, la mort d'Elizabeth et de Tannhäuser (oui, oui, ceci est un spoiler...) est complètement éludée. On a limite l'impression d'un happy ending avec des retrouvailles... Alors que ces retrouvailles ne se font que dans la mort.

Tout est donc impeccable dans la représentation de Tannhäuser offerte par l'Opéra de Paris. Innovante, méticuleuse, esthétique, la mise en scène souffre seulement d'un léger décalage avec le propos de l'œuvre composée et écrite par Wagner. Toutefois, la qualité du spectacle vaut bien que l'on s'en accommode.

"Tannhäuser"  opéra en trois actes de Richard Wagner, livret du compositeur
Direction musicale : Sir Mark Elder
Mise en scène : Robert Carsen
Chef du Choeur : Patrick Marie Aubert

Christof Fischesser : Hermann
Christopher Ventris : Tannhäuser
Stéphane Degout : Wolfram von Eschenbach
Stanislas De Barbeyrac : Walther von der Vogelweide
Tomasz Konieczny : Biterolf
Eric Huchet : Heinrich der Schreiber
Wojtek Smilek : Reinmar von Zweter
Nina Stemme : Elizabeth
Sophie Koch : Venus

Orchestre et choeur de l'Opéra national de Paris
Maîtrise des Hauts-de-Seine / Choeur des enfants de l'Opéra national de Paris

Opéra Bastille
Place de la Bastille

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