jeudi 10 novembre 2011

Edvard Munch, l'oeil moderne

Nuit étoilée, 1922-1924
A l'évocation du nom du peintre norvégien Edvard Munch (1863-1944), une œuvre vient directement à l'esprit : le cri. Ce visage indéfinissable, déformé, posé sur un corps filiforme poussant un cri inaudible avec en toile de fond un ciel et une passerelle d'un rouge torturé. Toile expressionniste célébrissime, (ou toiles au pluriel devrait-on dire puisqu'il en existe plusieurs version, Munch ayant la manie de répeter un certains nombre de fois ses œuvres fétiches) tant exceptionnelle qu'elle est a pour inconvénient d'être l'arbre qui cache la forêt, la toile qui cache l'œuvre de son peintre. L'exposition que présente le Centre Georges Pompidou constitue une bonne aubaine de remédier à cette ignorance en permettant de saisir toute l'ampleur du travail de Munch.
Edvard Munch est né en 1863 à Løten, en Norvège d'un père médecin militaire d'une piété à toute épreuve et d'une mère morte trop tôt de la tuberculose. Après une enfance vécue dans la capitale norvégienne, Christiania à l'époque, il suit des études techniques qu'il abandonne rapidement pour l'art. Sa carrière d'artiste l'amène rapidement à s'expatrier pour Paris et Berlin où il s'intègre aux cercles artistiques et intellectuels de l'époque dans lesquels il puise ses influences.
  
L'exposition revèle les influences du peintre tout au long de sa vie, mais également et c'est ce qui est passionnant, les techniques qu'il emploie, largement inspirées des nouvelles technologies de l'époque comme la photographie et le cinéma. Munch, souvent considéré comme un artiste torturé, renfermé, coupé du monde, vision due notamment à son goût pour des sujets tels que la mort, la maladie, l'angoisse ou le crime (en témoigne sa série de peinture consacrées à l'enfant malade qu'il a peinte dès la fin du XIXe siècle), était en réalité ouvert aux débats esthétiques de l'époque et féru des nouveaux procédés de reproduction de l'image. Il s'est ainsi adonné aux plaisirs de la photographie avec son petit appareil en prenant des photos de lui-même, de scènes de rue ou de ses modèles. Ces clichés sont ensuite exploités comme modèles pour ses peintures. On peut en découvrir une cinquantaine accrochés dans le cadre de l'exposition. Ainsi, Munch s'inspire de la vision apportée par la photographie pour composer ses toiles, on y retrouve ainsi le flouté dû aux mouvements effectués sur des temps de pause trop long.
Cheval au galop, 1910-1912
Dans les années 1910, le cinéma a également été une grande source d'inspiration technique. Ce qui intéresse Munch, c'est le point de vue du spectateur, de celui qui regarde. La toile ne décrit en effet plus des scènes, mais la vision que l'on a de ces scènes, telle qu'elle est représenté par l'intermédiaire d'une caméra. Le mouvement rendu par les premiers films projetés est reproduit dans les toiles du peintre notamment par des cadrages inhabituels, coupant les personnages en premier plan. Ceci est flagrant dans la peinture inspirée de la Sortie de l'Usine Lumière à Lyon des Frères Lumière et dans celle du cheval qui s'emballe, dont est issue la toile du Cheval au galop. La peinture de Munch est alors perçue comme une fixation de l'instant, comme pourrait le faire percevoir une photographie ou un film. L'intérêt de Munch pour le cinéma est tel qu'il s'amusera lui-même à filmer quelques scènes à l'aide sa petite caméra. Cinq minutes de film sont projetées dans le cadre de l'exposition durant lesquelles Munch a capturé des scènes de rue, a demandé à un ami de passer et repasser devant la caméra...

Le Soleil, 1910-1913
Ce travail sur le regard se manifeste dans l'ensemble de l'œuvre de Munch. Les peintures qu'il consacre au phénomène de rayonnement nous montrent non pas les sujets en eux mêmes, mais la perception qu'on en a à travers l'œil humain, reproduisant ainsi par exemple l'aveuglement ressenti par notre œil lorsque nous regardons fixement le soleil. De même, lorsqu'il a à souffrir de troubles occulaires dus à une hémorragies rétinienne, il est obsédé par la nécessité de reproduire via ses pinceaux l'affection que ce mal a sur le sens de la vue. La série de tableaux qu'il livre et qui est présentée au cours de l'exposition est saississante et tellement insoupçonnée lorsqu'on n'a qu'une faible connaissance de l'œuvre du peintre. On voit en effet se succéder une série de tableaux entachés d'une large masse multicolore aux tons changeant et masquant les scènes qui se jouent au-delà.

La Rétine de l'artiste. Illusion d'optique créée par la maladie oculaire, 1930
L'exposition Munch du Centre Pompidou, qui montre à quel point Munch était préoccupé par la vision, par le sens même de la vue, modifie notre propre vision de son œuvre. La muséographie est dès plus réussies, organisée d'une manière très didactique, mettant face à face développement technologique et travail du peintre. Elle nous permet de voir autrement tout simplement.

du 21 septembre 2011 au 9 janvier 2012
11h00 - 21h00 - nocturne le jeudi 23h00 - fermé le mardi
12 €

Centre Georges Pompidou
Place Georges Pompidou
75004 Paris

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