jeudi 31 juillet 2014

"Killer on the Road" de James Ellroy

La deuxième fois, ça passe. Après un faux départ il y a cinq ans, j'ai repris la lecture de Killer on the Road (Un tueur sur la route) de James Ellroy. Le faux départ n'était pas dû au manque d'intérêt du livre mais à sa violence et à la pesanteur de son atmosphère. Je sais bien qu'avec un titre pareil, on ne s'attend pas à lire une histoire d'amour de petits chatons. Mais il est des moments où le crime n'enthousiasme pas... J'ai donc repris la lecture du livre avec quelque appréhension, mais il faut croire que je suis beaucoup moins sensible aujourd'hui puisque la violence ne m'a plus rebutée.


Martin Michael Plunkett confesse à la première personne ses péripéties de tueur en série, de son enfance à son incarcération. Oui, il se fait chopper, mais ce n'est pas révéler la fin que de le dire puisque le livre s'ouvre sur Plunkett en cellule qui accepte de livrer ses confessions. Enfant surdoué et taciturne, inadapté à son environnement, il traverse son enfance en faisant du monde qui l'entoure un univers parallèle à force d'imagination. Il s'amuse à épier les couples faisant l'amour.   Il développe comme tout bon psychopathe un conflit avec sa maman qui sera en toute logique sa première victime. Il est fasciné par l'acte sexuel, mais totalement incapable d'y prendre part, comme il est totalement incapable d'avoir des rapports normaux avec ses congénères. Son plaisir, il le trouve dans le massacre enragé de jeunes gens, beaux de préférence, sinon ça le dégoute.


James Ellroy commence à devenir un compagnon de longue route. Ok, j'avoue, je suis même complètement fan. C'est au moins le dixième livre que je lis de lui, mais le premier des romans antérieurs au L.A. Quartett (The Black Dahlia, The Big Nowhere, L.A. Confidential et White Jazz). Et cela se sent qu'il s'agit d'un roman de jeunesse. Le style Ellroy est là, mais il n'est pas encore abouti. Il est sur le bon chemin mais est encore truffé d'imperfections. C'est écrit au scalpel, le vocabulaire est d'une précision nanomillimétrique et c'est cela qui fait sentir la présence d'Ellroy derrière la machine à écrire. Ce n'est pas encore l'écriture au hachoir des livres suivants et le vocabulaire n'est pas encore si ordurier que cela. Il se cherche encore, mais est pourtant parfaitement identifiable. Le rythme, enfin, n'est pas encore maîtrisé et la narration, un peut trop linéaire, manque de montée en puissance.


Avec tous ses défauts, le livre reste fascinant et terrifiant. Plunkett frappe dans l'ombre et se meut dans l'anonymat. Et il est surtout sacrément dérangé ce garçon. Lui aussi cherche son style, il compose des variations autour de son mode opératoire (c'est fou ce qu'il a l'imagination débordante ce petit chou) et s'invente des mentors à travers Charles Manson et un collègue de meurtres en série qui croise sa route, mais finit par les mépriser. Son véritable mentor, c'est Shroud Shifter, un super héros de comics de son enfance, dont il partage l'obsession d'invisibilité et qui s'adresse à lui au cours de ses délires paranoïaques. C'est finalement lui qui l'accompagnera jusqu'au bout dans une scène burlesque d'assassinat de masse en déguisement de super héros ! Burlesque que l'on retrouve singulièrement à différents moments du livre. L'histoire est glauque et pourtant, dans l'horreur, elle conserve une certaine dimension comique car au final il ne semble pas qu'Ellroy lui même ait beaucoup pris son propre personnage au sérieux.


C'était en tout cas un bon en-cas en attendant le 11 septembre et la sortie de Perfidia !


Killer on the Road
James Ellroy
1986
William Morrow paperback (reprint 1999), 272 pages.




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