jeudi 24 juillet 2014

Black Coal : feux d'artifices en plein jour

Un mois après sa sortie, je suis enfin allée voir Black Coal, de Yi'nan Diao, Ours d'Or au Festival de Berlin, malgré son titre si vilain. Black Coal... Charbon noir... On est dans le réalisme là, le charbon noir est en effet plus réaliste que le charbon rose à pois violet. Non, sérieux, l'auteur du titre en Français ne s'est pas rendu compte que charbon noir, ça fait aussi nouille que petit pois vert ou rubis rouge ? Si peut-être... C'est pour cela que c'est en anglais, Black Coal... Avec un peu de chance, les Français ayant la réputation d'être des quiches en Anglais, ça passera... Ben non, ça ne passe pas... Pourquoi traduire un titre chinois qui veut dire "Feux d'artifices en plein jour" par "Black Coal" ? Va comprendre... Au moins les Allemands se sont montrés plus sensés, en traduisant mot pour mot le titre chinois : "Feuerwerk am hellichten Tage".

Black Coal, puisque c'est donc ainsi qu'il est intitulé, est un polar chinois contemplatif. L'énigme à la base de l'histoire est un puzzle au sens propre comme au sens figuré puisque tout démarre avec la découverte en 1999 de morceaux de cadavre éparpillés aux quatre coins de la Mandchourie (eh oui, façon puzzle comme dirait Raoul Volfoni) dans des usines de charbon. Première étape, identifier John Doe, deuxième étape, informer la veuve, troisième étape découvrir qui a fait le coup. C'est là que ça se corse puisque rapidement les policiers chargés de l'enquête dégomment les principaux suspects dans un salon de coiffure aussi glauque que kitsch. L'un des flics, blessé, y voit d'ailleurs s'arrêter là sa carrière. Tout est relancé cinq ans plus tard avec la découverte de nouveaux morceaux de macchabés dans des tas de charbons. Zut, alors les suspects n'étaient donc pas coupables ? Zut encore, ils ne sont plus disponibles pour le leur demander. L'ex-flic auteur de la bavure est remis sur le coup et tout semble tourner autour de la veuve de la première victime pour laquelle il développe au fur et à mesure un attachement pas très très professionnel.

L'histoire, si prenante soit-elle, est surtout un moyen de peindre la société chinoise de manière inhabituelle. On est loin des fictions paysannes à la Zhang Yimou ou de l'ode à la culture chinoise, on est encore plus loin des polars de Hong Kong gonflés d'adrénaline de Tsui Hark puisque le film prend son temps. Ici, c'est une métropole chinoise en 2005, en pleine croissance fulgurante, dans laquelle se croisent les catégories les plus modeste et les entrepreneurs en pleine réussite. C'est crade, c'est kitsch, c'est fascinant et répugnant en même temps. Et ce n'est pas une pub pour la Chine, même la nourriture ne donne pas envie ! La ville, hyper peuplée, est vilaine, le temps est froid et humide, et quand il fait beau cela n'est guère mieux. Les gens sont indifférents au sort des autres, désagréables, parlant agressivement sans bonjour, svp, merci, au revoir . Extrêmement choquante est la façon dont les femmes sont traitées, malmenées, tripotées, bousculées, frappées. C'est cela qui fait de ce film un film comme nul autre.


La mise en scène est léchée. Les plans sont originaux et changent parfois de point de vue en passant en même plan de la caméra suggestive au narrateur omniscient. Du grand art. Il ne l'a pas volé son Ours d'Or ! Il parait que Yi'nan Diao s'est inspiré des films noirs américains pour sa mise en scène. A y réfléchir, on y retrouve les silences lourds de sens, les regards profonds et l'atmosphère sombre et surtout, surtout, sa femme fatale ! Le héros est rugueux, pas très sympathique, même s'il s'améliore au fil de l'histoire. C'est un personnage profondément humain avec ses erreurs, ses doutes et sa grosse grosse bavure.


A recommander aux amateurs de sensations fortes car on demeure dans un film qui prend son temps et qui porte son spectateur doucement vers le dénouement final, ce qui n'empêche tout de même pas deux trois épisodes assez gores. Les amateurs de lenteur se réjouiront.


Black Coal
Réalisé par : Yi'nan Diao
Avec : Fan Liao, Lun-mei Gwei, Xue-bing Wang
Chine / Hong Kong
Sortie en salles le 11 juin 2014

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