lundi 28 juillet 2014

Jimmy's Hall

Ken Loach revient en Irlande huit ans après Le vent se lève, et c'est l'occasion de taper sur la curaille irlandaise. En même temps, on ne peut pas dire qu'ils ne le méritent pas... Il suffit de lire la description de l'enfer par le curé du Portrait de l'artiste en jeune homme de James Joyce, pour se sentir traumatisé.

L'histoire, authentique, se passe dans les années 1930. A la faveur d'un désir d'apaisement du pays sous la présidence d'Eamon de Valera, Jimmy Gralton, activiste gaucho revient dans son Irlande natale, dans le Leitrim County pour être précis, après dix ans d'exil pour y retrouver sa vieille môman. Les oppositions entre factions rivales lors de l'accession à l'indépendance de l'Irlande l'avait en effet forcé à s'éloigner du pays et se réfugier aux Etats-Unis. Son retour est accueilli avec joie et émotion par sa mère, ses amis et la jeunesse locale qui cherche à s'amuser et danser et ne trouve, ô comme c'est étrange, pas satisfaction dans les événements organisés par la paroisse. Jimmy était en effet, avant son départ, à l'origine de l'ouverture d'un dancing communautaire dans lequel chacun pouvait y trouver, outre le plaisir de la danse, l'accès à la peinture, la musique ou la littérature. Mais son retour ne ravit pas le curé du coin, les militants nationalistes et les grands propriétaires qui avaient réussi à se débarrasser de lui dix ans auparavant. Eh oui, ce dancing est aussi le lieu où se propagent les idéaux de Tonton Marx et où sont prodigués des enseignements non validés par l'église catholique.

Traité sur le ton de la comédie, le film tourne autour de la rivalité entre ces deux mouvances et des stratagèmes de chacun pour neutraliser l'autre. Le tout se passe (presque) sans violence, mais on sent bien que la paix toute jeune après que le pays se soit déchiré est fragile. Tout le monde marche sur des œufs, le but est de s'imposer sans faire tout exploser. Malgré le ton de la comédie, la tension est perceptible. On connait les convictions de Ken Loach, et il faut quand même faire abstraction des discours crypto-communistes et notamment d'une tirade un peu lourdaude censée faire le parallèle entre la crise de  1929 et la crise financière de 2008 et stigmatisant les vilains patrons, pour pleinement apprécier le film. Les communistes apparaissent donc mille fois plus sympathiques que les catholiques et les nationalistes. En même temps, si l'histoire n'a pas donné l'occasion aux premiers de diriger l'Irlande, on ne peut pas dire que cette dernière ait été parfaitement servie par les seconds non plus... Pour rester dans le septième art, il suffit de regarder les Magdalene Sisters ou Philomena pour sentir monter la nausée. Je ne mentionnerai pas la réalité et les cadavres de bébés retrouvés dans les jardins de couvents... Oups, je vient de le faire... On notera quand même que le curé, même s'il reste droit dans sa soutane, n'en salue pas moins la ténacité de Jimmy. Quand une croyance se met à en respecter une autre... Ce n'est pas un gros message d'espoir, ça ?

Au-delà de l'affrontement de deux idéologies, c'est un plaidoyer pour la liberté d'expression et de conscience. Et malgré les réserves que l'ont peut avoir sur le propos que Ken Loach introduit dans le film, c'est un feel good movie. Il reste léger, rempli d'espérance. Ca sent la pluie et le vent d'Irlande, et on en sort avec du jazz et de la flute irlandaise dans la tête avec une sérieuse envie de s'envoyer un pinte au pub du coin. Ken Loach se met du côté des révoltés à la recherche du plaisir honni par la calotte, et nous emmène avec lui  tant on est conquis par l'entrain des Irlandais. Les acteurs sont savoureux. Barry Ward, dans le rôle de Jimmy est absolument délicieux (même si physiquement, il a certains côtés qui rappelle Aidan Gillen, l'ignoble Petyr Baelish de Game of Thrones). Mention spéciale pour sa maman, touchante, forte et en même temps terriblement drôle, en particulier lors de l'arrestation ratée de Jimmy. La réalisation est classique et de très bonne facture outre quelques scènes où la mise en scène est trop voyante. Il manqué juste un petit je ne sais quoi qui empêche d'en faire un grand film. Ce n'est pas le meilleur Ken Loach, mais un film d'une qualité tout de même largement au dessus de la moyenne. Loach a annoncé lui même que ce serait le dernier, j'espère qu'il ment !

Réalisation : Ken Loach
Avec : Barry Ward, Simone Kirby, Andrew Scott, Jim Norton
1h49

Sortie le 2 juillet 2014


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