vendredi 31 octobre 2014

Le cinéma français se porte bien : Les Combattants, Hippocrate, Bande de Filles

Je profite de Bandes de Filles pour faire un petit flash-back (ou analepse pour satisfaire les amateurs de langue française et surtout de Grec ancien) sur quelques sorties de films qui font souffler un vent de renouvellement sur le 7è art français. Laissons de côté Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu, que je n'ai pas vu pour faute de vilain préjugé tenant à la certitude qu'il s'agissait du cinéma de papa, pour s'intéresser à des films plus modestes mais, tel que je le pressens, plus innovateurs.
Les Combattants, le plus musclé


Arnaud, apprenti menuisier au sein de l’entreprise familiale reprise par son frère aîné, s'entiche de Madeleine, la fille brute de décoffrage de clients de l'entreprise. Madeleine, diplômée en macroéconomie a balayé d'un revers de la main tous ses diplômes pour se concentrer sur un objectif plus ambitieux : être préparée pour la fin du monde. Elle part donc pour un stage de préparation militaire chez les para, embarquant un Arnaud transi d'amour dans son paquetage.


Une jolie comédie pas nunuche et très bien écrite. Les dialogues décalés provoquent de francs éclats de rires dans la salle, et ce sans jamais être grossiers. On a beau être chez les para, on ne tombe pas dans le comique troupier. C'est d'ailleurs assez appréciable dans cette comédie, d'y trouver la finesse de ne pas sombrer dans la caricature de l'armée. Au contraire, le film n'adopte aucune posture sur le rôle ou l'organisation de l'armée, il se contente d'y filmer l'inadaptation de ses personnages. J'ai, pour ma part, apprécié la petite leçon sur comment porter un coup pour que ça fasse mal... Pratique...


L'atout du film, ce sont ses personnages et surtout, le personne féminin, sévèrement burné, comme dirait Nanard. Adèle Haenel, avec ses épaule de nageuse, son corps encombrant et son air patibulaire le campe avec brio. Ce n'est pas simple pour Kevin Azaïs de faire le pendant de ce rouleau compresseur. Pourtant, il aurait pu être fadasse, mais il est touchant et apporte une douceur qui rééquilibre le film. Ils ont un charme fou ces deux, on s'engagerait presque.


S'il y a un bémol à marquer, je dirait que les réalisateurs n'ont pas vraiment trouvé comment bien terminer leur film, le rythme s'essouffle un peu à la fin. Rien de grave toutefois, ça ne suffit pas à effacer tout le très bon travail qui a précédé.


Les Combattants
Réalisation : Thomas Cailley
Avec : Adèle Haenel, Kévin Azaïs
1h38


Hippocrate, le plus moribond


La fin du monde, si on ne la trouve pas dans Les Combattants, on la trouve dans Hippocrate, c'est l'APHP. Benjamin, jeune interne pétri d'ambition et d'arrogance arrive dans le service de son père et est rapidement confronté à un monde hospitalier qu'on ne trouve pas dans les livres de fac. Il doit composer avec les gardes interminables, les susceptibilités de chacun et surtout le manque de moyens. Il est épaulé, dans cette galère par Abdel, un interne étranger bien plus expérimenté.


Si on a échappé au comique troupier dans Les Combattants, on n'échappe pas, ici, à l'humour de salle de garde. Bienvenue au pays des décorations de murs de chiottes, des ambiances faluches et des chansons paillardes. Ce n'est heureusement pas le ton du film, mais on ne peut décemment pas parler études de médecine sans aborder le côté bite-couilles-nichons. Hippocrate n'est ni une pub pour l'hôpital, ni une pub pour les étudiants en médecine ! Encore heureux que ce soit une comédie, parce que vu le sujet, traité autrement, ça aurait été sacrément plombant.


Rien à voir avec l'hôpital rutilant de Grey's anatomy ou de Dr House, qui a d'ailleurs son petit hommage dans le film, là, on est dans le royaume du glauque. C'est gris, c'est moche, pas franchement clean,  et en plus, c'est en manque de moyens. Et au milieu de tout cela, le personnel fait ce qu'il peut pour traiter les patients pour lesquels les choix médicaux dépendent plus de considérations comptables que médicales. "Allez Mamie, on va tout faire pour que tu remarches, comme ça on pourra se débarrasser de toit dans un autre service !". Sûr que le serment d'Hippocrate en prend un coup. Et le pire dans tout cela, c'est que ça ressemble quand même fichtrement à la réalité... Et c'est comme ça qu'on renouvelle la comédie ! Eh bien oui ! Les côtés les plus sordides de la réalité servent ici décors à un traitement léger de l'apprentissage de son métier par un jeune interne pétris d'ambition et de certitudes et à qui on foutrait des claques, mais qui, ouf, revient par la suite un peu sur terre.


Ce jeune interne, Benjamin, c'est Vincent Lacoste, le boutonneux des beaux gosses. Il est très bien dans son rôle de benêt qui peut quand même décider de vous filer de la morphine ou non. Mais celui qui ravit la vedette, c'est Reda Kateb, en interne étranger, en réalité, médecin mais réduit à l'internat pour passer ses équivalence. Il est doux, compatissant, réaliste et professionnel. Moi patient, c'est lui que je choisis comme médecin !


Hippocrate
Réalisation : Thomas Lilti
Avec : Vincent Lacoste, Reda Kateb, Jacques Gamblin, Marianne Denicourt
1h42

Bande de Filles, le plus désespéré


Marieme, 16 ans, jeune fille issue des "quartiers prioritaires de la politique de la ville" comme l'on dit sobrement, cherche une échappatoire entre son échec scolaire, son frère tyrannique et l'ambiance grise du quartier. Elle la trouve en rejoignant un groupe de filles affranchies qui ne cherchent qu'à profiter de leur jeunesse.


Quel est l'avenir et quel est le quotidien d'une gamine black des cités aujourd'hui ? Eh bien peu de chose, en vérité. Un film sur pas grand chose peut-il donner quelque chose ? La réponse est oui. Le film n'est pas un chef d'œuvre, il souffre de quelques longueurs, mais une peinture bien vue de la vie des filles des quartiers. Pas d'éclat dramatique, pas de grandiloquence mais juste un constat d'échec social.


Le quotidien de ces petites "caillera" n'est pas bien glop. Entre zoner sur des escaliers au milieu d'une cité minérale, où il n'y a rien à faire sauf s'ennuyer comme un rat mort, aller se balader dans les magasins des centres commerciaux des Halles ou de la Défense, passer une soirée enfermée dans une chambre d'hôtel à danser sur du Rihanna, et de temps en temps une petite baston contre les filles de la cité voisine... Il n'y pas vraiment de quoi s'épanouir. Ce vide, c'est ce qui remplit le film. Elles sont coincées par la morale dictée par la citée. En dehors de l'école, il n'est de salut que dans la prostitution ou le mariage. Mère ou pute, il suffit de choisir. Mais la fille de rêve habillée et maquillée comme une star comme dans les clips de Rihanna, il vaut mieux en faire le deuil rapidement...


Marieme qui rêve d'amusement et d'indépendance cherche pendant tout le film à trouver la brèche par laquelle s'engouffrer mais est constamment ramenée vers les murs de sa cité. Les étapes de sa quête sont illustrées par ses changements de look : nattes longues / sweat-shirt, cheveux lisses / jean slim, nattes courtes / fringues Carhartt. Mais féminine ou pas, mère ou pute, pas d'autre choix.


Les quatre actrices, non professionnelles, sont très bien dans leurs personnages, mais en même temps, elles ne font que jouer leur rôle. On a de temps en temps envie de leur filer des baffes pour leur faire ouvrir les yeux  tant elles sont aveuglées par leur désir de n'en faire qu'à leur tête. En même temps, elle n'ont tellement pas grand chose qu'on peut bien leur laisser le plaisir de faire suer le monde.


Bande de Filles
Rélisation : Céline Sciamma
Avec : Kadidja Touré, Assa Sylla, Lindsay Karamoh, Marietou Touré
1h52

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