lundi 8 septembre 2014

Two Cigarettes in the Dark : un supplice de Pina Bausch et du Tanztheater Wuppertal à l'Opéra Garnier.

Qui ne se souvient par de la scène de Parle avec Elle de Pedro Almodovar, dans laquelle un homme était ému aux larmes par une scène du Café Müller de Pina Bausch ? C'est l'exemple même de la beauté de ses créations et de l'émotion qu'elle peut faire naître chez le spectateur et c'est personnellement cela que je vois quand je pense à Pina Bauch. Vous aussi ça vous a touché ? Alors passez votre chemin devant la porte de l'Opéra Garnier et le Two Cigarettes In the Dark présenté par le Tanztheater Wuppertal, la troupe créée par Pina Bausch. C'est la triste vérité, Pina Bausch aussi, a commis des grosses supercheries. Parce que oui, il y en a d'autres. C'est que je m'étais déjà fait avoir au Théâtre de la Ville ! Du coup, même crime, même sentence, je suis partie avant la fin : à l'entracte au Théâtre de la Ville, avant à l'Opéra.

Créée en 1985, Two Cigarettes in the Dark n'avait jamais été donnée à Paris... On comprend pourquoi. Pour résumer : c'est un spectacle de danse, mais sans danse. Un truc hyper révolutionnaire en somme. Ca me donne envie d'écrire un livre, mais sans mot... Je pense que je tiens un chef d'œuvre ! Dans une succession de saynètes sans intérêt, des personnages passent dans le décors blanc en prononçant des bribes de dialogues dont certaines se veulent burlesques, mais qui sont au mieux creuses, au pire vulgaires. Il parait que ça se veut drôle... Ben...  Des fois, on n'a pas toujours ce qu'on veut... Rien de mieux pour illustrer la plaisanterie comme quoi l'humour allemand, c'est l'humour juif mais sans l'humour. La preuve : quand Offenbach écrit "où sont les petites cuillers" dans Tulipatan, c'est drôle, mais quand Pina Bausch écrit "Ramon où sont mes chaussettes", on rit beaucoup moins. Et encore, c'est plus drôle quand je l'écris que sur la scène de Garnier, c'est dire. C'est pipi-caca-prout, mais avec du Champagne, des fracs et des jolis robes. Personnellement, ça ne m'intéresse pas de voir deux homme se cracher du Champagne l'un sur l'autre. De même, ont-ils l'intention de choquer en montrant deux hommes s'embrasser avec du rouge à lèvre ? Ce n'est pas parce qu'on est à l'opéra que le public est composé exclusivement des ouailles de Saint-Nicolas-du-Chardonnet. Si, c'est avec ça qu'on ambitionne de bousculer l'ordre établi et choquer le bourgeois en 2014, c'est triste à pleurer. On dirait du Judd Apatow. Il paraît qu'il y a l'ambition de faire saisir toute la dimension de la violence faite aux femmes. Ah, c'est donc pour ça que certaines se font jeter par terre ou tirer les cheveux. Mouais, il ne faut pas non plus nous prendre pour des jambons. Pour l'originalité, on repassera. C'est maigre. Bref, ce spectacle n'a en réalité absolument rien à dire, sauf peut-être qu'il ne connaît pas le concept de subtilité.

Pourquoi l'Opéra de Paris a-t-il présenté cette bouse (le mot est lâché) ? Parce que ça fait vendre, me direz-vous. Bonne réponse, et la plus légitime selon moi. En ces jours de vache maigre dans le domaine de la culture, il ne faut pas cracher dans la soupe. Mais c'est aussi parce que le Tanztheater Wuppertal n'a plus que ça à offrir. C'est cruel à dire, mais sans Pina Bausch, ils sont incapables de se renouveler, non seulement artistiquement mais également sur scène. On présage d'ailleurs déjà la mort du Tanztheather Wuppertal.  Ils sont tous trop vieux pour danser, donc ne présentent plus de véritables chorégraphies. Ils prennent ce qu'il reste, des pièces pseudo-dansées sans queue ni tête et servent ça avec l'estampillage Pina Bausch. Et comme c'est du Pina Bausch, le public crie au chef d'œuvre. Forcément, on ne va pas dire du mal d'une morte. Mais je parierais que quatre-vingts pourcents des adeptes cherchent encore le sens de ce spectacle mais n'osent pas l'avouer. Pas grave, Pina Bausch a la carte et ça fait intellectuel d'aimer ça. Les plaisanteries pipi-caca sont pudiquement qualifiée d'irrévérencieuses. Mais saperlipopette, quoi ! Quand on voit ça, et quand on voit le Sacre du Printemps, tellement puissant qu'aucun autre chorégraphe ne pourra plus espérer l'égaler, quand on voir Café Müller qui a révolutionné la danse, ça énerve !

Ce spectacle est fait pour ceux qui ont la foi en Pina Bausch. J'admire son travail, je la place parmi les plus grands, mais j'ai encore mon libre-arbitre et je ne suis pas prête à gober n'importe quoi. Tant pis pour le Tanztheater Wuppertal. S'il a vécu, qu'il meure. La comedia e finita ! On ne peut vivre sur un héritage sans le faire fructifier, sans le renouveler. C'est l'exemple du défaut de transmission aux générations suivantes, quand la sélection culturelle rejoint la sélection naturelle.  Et pour moi, je paraphraserai mon ami le corbeau : je jure, certes un peu tard, que l'on ne m'y reprendra pas !

Opéra de Paris - Palais Garnier
2h31 avec entracte
1er au 7 septembre 2014.

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