samedi 6 septembre 2014

Sabbath's Theather, de Philip Roth

Si la Marche funèbre d'une marionnette, de Gounod, ne faisait pas autant penser à Alfred Hitchcock (il s'agissait du générique de son émission Alfred Hitchcock presents), elle s'appliquerait à merveille à la lecture de Sabbath's Theater de Philip Roth. On y trouve le même burlesque macabre et... des marionnettes.

Comment résumer ce livre... C'est  un portrait, celui de Mickey Sabbath, ancien marionnettiste irrévérencieux contraint de mettre un terme à son activité en raison de son arthrite et de son léger penchant pour ses étudiantes (ainsi que les putes ou tout autre donzelle prête à retirer sa petite culotte, il n'est pas regardant). Retiré dans un village paumé de Nouvelle Angleterre, Madamaska Falls, il est hanté par tous les personnages qui ont peuplé son passé et l'ont accompagné sur la route de sa déchéance : sa mère, son frère mort à la guerre, sa maîtresse croate, sa femme alcoolique repentie, son ex-femme disparue...

Mickey Sabbath, disons-le, est un gros dégueulasse et pas peu fier de l'être. C'est un personnage écœurant, il est sale, laid, vieux, malade et n'a que peu de considération pour son prochain. Il est désespérant, incapable de résister à ses pulsions les plus primaires. Agitez une petite culotte sale sur son chemin, il courra la langue pendante pour enfouir son visage dedans. Paumé, il est irrécupérable pour la société et que quoi qu'il fasse, il fera immanquablement les mauvais choix. Et pourtant, et pourtant... Il y a ce je ne sais quoi, qui fait que, malgré tout Sabbath reste attachant. Ses mauvais choix sont un peu des coups du sort comme s'il représentait la quintessence de la loi de Murphy. Et là, il n'y a rien à faire, on pouffe ! La scène dans laquelle il se fait surprendre par la femme de ménage de son ami, riche producteur new yorkais, alors qu'il farfouille dans la lingerie de la fille dudit ami à la recherche de photos coquines, est tout bonnement hilarante.

Incontestablement, la plume de Roth fait de ce roman, une merveille d'écriture. Je n'arrête pas de m'extasier devant sa maîtrise la narration. Je ne cacherai d'ailleurs pas que je suis une inconditionnelle de Philip Roth et qu'il est à l'heure actuelle le plus grand écrivain vivant. N'en déplaise aux méchants de l'Académie Nobel qui ont avoué qu'ils ne lui fileraient pas le prix à cause de sa nationalité américaine (l'âge ne fait rien à l'affaire disait le poète, et je en parle pas de Philip Roth bien entendu). Bref la forme est impeccable. Sur le fond, en revanche, j'ai quand même quelques petites réserves. Au bout d'un moment, le sexe crade chez les éléphants de mer, ça finit par faire remonter le petit dèj... A côté la scène du foie de veau de Portnoy Complaint relève du livre de communiante. Mais il s'agit de prétextes à l'invocation de sujet plus graves : les marionnettes du théâtre intérieur de Sabbath avec leur détresse, le chagrin de la mère du soldat mort, l'autodestruction de l'alcoolique pathologique ou la fragilité de la femme-enfant. Tous ces personnages viennent le hanter au cours de ses errements. Il s'interroge alors sur le sens de la vie, sur le bonheur que l'on ne trouve qu'une fois qu'il s'est enfui. Roth en profite alors pour dresser un portrait de l'Amérique libertaire des années soixante et soixante-dix desemparés ou rattrappés par le retour fulgurant du politiquement correct et de la morale puritaine dans les annees quatre-vingt-dix, rendant vaines toutes les guerres de leur jeunesse.

Si je ne nie pas que le livre est magistral, pour apprécier un bonbon, il faut apprécier le fourrage et l'enrobage. Et là, l'enrobage était un peu étouffe-chrétien, malgré le portrait au vitriol de l'Amerique bien-pensante qui se cache à l'intérieur.

Sabbath's Theater
Philip Roth
Vintage Books, London, 471 pages.

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