lundi 8 août 2011

Operation Shylock, de Philip Roth

Aujourd'hui, nous ne nous pencherons pas sur le dernier cri ou la tête de gondole, mais sur un ouvrage publié il y a presque 20 ans, Operation Shylock, de Philip Roth. Eh bien oui, en 1993, j'étais peut-être déjà en âge de lire Roth, mais certainement pas de l'apprécier, alors, j'ai du retard à rattraper. Ce coup-ci c'est Operation Shylock que j'ai dévoré et sa particularité vaut bien qu'on en dise deux mots, ou même un peu plus.

Dans ce livre, on retrouve Philip Roth himself confronté à un sosie, qui plus est homonyme, qui plus est prétendant être le Philip Roth que tout le monde connaît. Pour couronner le tout, ce deuxième Roth professe une nouvelle doctrine, le diasporisme, par opposition au sionisme, qui incite les juifs d'Israël à se réinstaller dans l'Europe de leurs origines. Comprenez la panique de Roth, le vrai, ou plutôt, celui que nous connaissons, de se voir tenir de tels propos dans la presse israélienne, alors qu'il se trouve à des milliers de kilomètres de là. Il n'en fallait pas plus pour que Philip Roth parte à la rencontre de Philipe Roth et nous entraîne dans une succession d'épisodes plus rocambolesques les uns que les autres à travers les rues de Jérusalem.

Operation Shylock n'est, selon son auteur, pas un récit, ni même un roman, mais une confession. C'est ainsi que Roth l'a présenté lors de sa publication, insistant sur sa véracité et la nécessité de prendre chacun de ses mots avec le plus grand sérieux. Plus que dans une confession, on est en fait plongés dans la plus grande confusion ! On nous balade au cœur de la vraisemblance, au bord de frontières artistiquement floutées, entre le réel et l'inventé. Incapable de distinguer la vie de l'auteur de son travail d'écrivain, il nous égare entre fiction et réalité. On est incrédules face à l'histoire qui nous est contée et pourtant on y croise  des personnages bien réels : Aharon Appelfeld, écrivain israélien que Roth est venu interviewer, ou Ivan Demjanjuk, accusé d'être Ivan le Terrible, barbare gardien de Treblinka, et traduit à ce titre, devant la justice israélienne. On y croise même Claire Bloom, l'ex-épouse de Roth qui apportera même plus tard, dans un livre qui relate largement leur relation, la réalité de l'épisode dépressif subi par Roth au début du livre. Mais à côté de cela, on y trouve le  fantaisiste manifeste des anti-sémites anonymes et l'ombre des agents du Mossad qui épient chaque faits et gestes des protagonistes. On ne sait plus que croire. Je ne vous parlerai pas de la dernière pirouette du livre qui laisse le lecteur complètement désemparé une fois qu'il le referme.

Cette confession oscille entre livre d'espionnage, récit politique et réflexion sur l'identité juive. D'une manière complètement dépassionnée, il mêle l'absurde aux récits les plus graves et nous offre parfois un résultat hilarant. De là à en faire un des ouvrage majeurs dans sa bibliographie, il ne faut tout de même pas exagérer. On en redemande, mais on sait bien que Roth se regarde écrire et ça lui plait. Roth s'attendait à ce qu'Operation Shylock soit considéré comme l'un de ses plus grands livres, mais on n'y retrouve pas l'intensité qu'il atteindra plus tard avec American Pastoral. Sa forme originale, bien que jouissive, n'en 'est toutefois pas révolutionnaire. Bref, un très bon moment en compagnie de tous ces Philip Roth et une très bonne occasion de réfléchir sur les relations entre Diaspora et Israël. On n'y retrouve pas la profondeur de l'analyse que Roth est capable de nous livrer sur la société, et que l'on ira chercher dans ses autres ouvrages.

Operation Shylock, Philip ROTH, Vintage International, New York, 1994, 399 pages.



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